Les joueurs professionnels sont des citoyens comme les autres, ils doivent payer des impôts. Ceux qui refusent peuvent être poursuivis par la loi, c’est le cas du Québécois Jonathan Duhamel, bien connu des amateurs de poker. Le joueur est actuellement poursuivi par l’ARC en raison de ses impayés sur une période de 3 ans. L’Agence estime ces redevances à environ 1,2 million de dollars.
Des redevances pour des faits remontant à 10 ans
C’est au cours des World Series Of Poker 2010 que Jonathan Duhamel a commencé à se faire connaitre du grand public. Il a remporté le Main Event de l’évènement avec 8,9 millions de dollars de gains à la clé. C’est cette victoire qui lui cause des problèmes puisque l’Agence du Revenu au Canada ou ARC exige des redevances fiscales pour ses revenus. L’ARC réclame un montant de 1,2 million de dollars pour les impôts synthétiques dont M. Duhamel devait s’acquitter pour la période entre 2010 et 2012. C’est un énorme coup dur pour le joueur professionnel dans la mesure où les réclamations portent sur des gains réalisés il y a à peu près 10 ans.
Par ailleurs, les problèmes risquent de s’accumuler pour Jonathan Duhamel si les tribunaux donnent raison à l’ARC. En effet, en cas de victoire de l’agence canadienne, celle du Québec a également annoncé qu’elle porterait également plainte pour les mêmes motifs. M. Duhamel risquerait alors une double peine et devrait s’acquitter d’un montant total de 2,4 millions de dollars. Toutefois, Revenu Québec a précisé qu’elle n’intenterait aucune action pour le moment. Cela ne viendrait que dans le seul cas où l’ARC remporte ce bras de fer judiciaire.
Des arguments plausibles des 2 côtés
Pour sa défense, Jonathan Duhamel évoque la loi en vigueur qui explique que le poker est une activité imposable aux États-Unis, mais pas au Canada. Il affirme avoir déjà payé ses impôts après les WSOP sur le sol américain.
L’avocat de Jonathan Duhamel veut également utiliser une affaire semblable datant de 2006 pour la défense de son client. À cette époque, 2 « gros » joueurs ont misé sur des paris sportifs et ont obtenu des gains évalués à plusieurs millions de dollars. À l’annonce du verdict, la Cour Canadienne de l’Impôt a acquitté les 2 hommes et ils n’ont eu aucune redevance à payer auprès de l’ARC. Interrogé à ce sujet, un professeur de droit fiscal à l’Université Laval a déclaré que tout se jouerait sur le statut juridique que la Cour définira pour Jonathan Duhamel. En effet, au Canada, les gains obtenus aux jeux de hasard ne sont nullement imposables au Canada pour les joueurs occasionnels.
Pourtant, du point de vue de l’ARC, le joueur est un résident fiscal du Canada puisqu’il vit à Montréal pratiquement toute l’année. Son absence du territoire est uniquement due à sa participation à des tournois à l’étranger. En dehors de cela, il consacre entre 40 à 50 heures par semaines au poker, ce qui en fait une activité à plein temps. De plus, ses victoires sont liées à un talent et à des compétences spécifiques. La chance n’est alors qu’un facteur minime dans son jeu. Tous ses facteurs font qu’il possède un statut officiel de joueur professionnel et donc d’entreprise individuelle. En tant que tel, il doit donc payer des impôts sur ses revenus.
Il fait également appel à des investisseurs pour couvrir ses dépenses sur la table. En échange de cela, il s’engage à leur verser un certain pourcentage sur ses gains. Pour l’année 2010, la part de ses investisseurs a été estimée à plus de 4 millions de dollars. Même si le poker est sa seule source de revenus, il est clair que c’est une activité très fructueuse, ce qui montre clairement qu’il s’agit d’une entreprise individuelle à but lucratif.